DANS LES COULISSES DE THIS WAY : UN ENTRETIEN AVEC NOÉMI GRUNER

DANS LES COULISSES DE THIS WAY : UN ENTRETIEN AVEC NOÉMI GRUNER

Noémi Gruner

Re-bonjour les explorateurs.trices !

C’est Anton de This Way!, et je suis de retour avec une nouvelle interview. Cette fois-ci, je m’entretiens avec la talentueuse réalisatrice de la vidéo de présentation d’I C E, utilisée pour la campagne Kickstarter, que vous pouvez (re)découvrir ICI. 

Noémi Gruner est une réalisatrice d’animation et illustratrice française basée dans le sud de la France. Elle a étudié à l’école d’animation EMCA d’Angoulême, se spécialisant dans la conception de décors 2D. Elle écrit et réalise des courts métrages pour un public jeune et adulte, diffusés sur la télévision française.


ANTON : En tant que fan de cinéma moi aussi, je me reconnais dans votre passion pour le cinéma ! Quand votre amour pour le cinéma s’est-il développé ? Y a-t-il un film en particulier que vous avez vu et lors duquel vous vous êtes dit «c’est ça que je veux faire moi aussi » ?

NOÉMI : Eh bien, j’ai toujours regardé beaucoup de films depuis que je suis enfant. Je dois dire que le film d’animation Le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault est l’un de mes premiers souvenirs marquants. Je l’ai regardé des milliers de fois jusqu’à ce que notre cassette vidéo (oui, c’était au début des années 90) soit illisible ! Puis, à l’adolescence, j’ai découvert Hayao Miyazaki et ça a été un grand choc pour moi. Son travail résonne énormément en moi et je pense que c’est à ce moment-là que j’ai décidé que je voulais faire la même chose (enfin, essayer je veux dire !). 

C’est drôle parce que j’ai découvert plus tard que Miyazaki a été très inspiré par le travail de Paul Grimault. Ce n’est pas un hasard si j’aime les deux 🙂

« Le Roi et l’Oiseau » de Paul Grimault 

ANTON : Miyazaki est aussi un de mes préférés. Le premier court-métrage d’animation que vous avez écrit et réalisé était « La Costa Dorada ». Pouvez-vous nous parler un peu de ce film et de qui vous a inspiré ?

NOÉMI : C’est mon premier court-métrage professionnel. À l’origine, cela devait être mon film de fin d’études, mais mon producteur actuel l’a trouvé intéressant – nous l’avons donc développé comme un projet professionnel même si j’étais encore étudiante. 

Pour l’histoire, je me suis inspirée de mon amie photographe Clémentine Schneidermann. Elle a photographié des villes vides en Espagne après la crise économique (2007-2009) où de nombreux projets immobiliers ont été gelés ou annulés. Cela avait laissé des dizaines de villes vides, parfois à peine commencées… des routes vers nulle part, des chantiers abandonnés. J’ai été choquée par ces images, à la fois poétiques et super tristes. Dans ce contexte étrange, j’ai imaginé une jeune femme, une chanteuse, en quête d’elle-même et d’un combat à mener alors que ses amis étaient impliqués dans le mouvement social « Los Indignados ». 

Je pense que c’était un combat intérieur que je menais à ce moment-là ! Comment être engagée ? Comment réagir aux injustices ? Se battre seul peut être démoralisant mais quand nous sommes ensemble, nous pouvons être puissants 🙂

La Costa Dorada

ANTON : Bien d’accord avec vous ! Quelles sont les autres inspirations ou références cinématographiques qui influencent votre travail ?

NOÉMI : J’ai parlé des films d’animation mais je dois admettre être plus influencée par les longs métrages ! J’ai grandi avec Charlie Chaplin et Jacques Tati. Je comprends maintenant qu’ils influencent beaucoup mon travail, que j’espère à la fois poétique et socialement engagé. J’ai retrouvé ces composantes dans l’œuvre de Jim Jarmusch, Yasujirō Ozu ou encore César Diaz (nous travaillons ensemble au montage de mes projets). Plus largement, je suis inspirée par l’Art en général, la photographie, l’illustration, le podcast, le documentaire. Finalement, tout est inspirant quand on creuse le sujet.

ANTON : C’est une belle pensée ! 

Pouvez-vous nous expliquer un peu votre processus de travail ? Par exemple, les outils que vous utilisez, les étapes nécessaires… ?

NOÉMI : Faire un film est un processus très long et laborieux, avec de nombreuses étapes.

J’écris d’abord l’histoire. Cette étape est la plus longue pour moi car je dois y réfléchir pendant des mois avant d’écrire mes idées en une seule fois. Ensuite, je la peaufine, un scénariste et des producteurs me donnent des conseils, puis je finalise le scénario. Pendant ce temps, les producteurs et moi cherchons des financements. 

Pour les étapes suivantes, cela dépend du projet. Pour « La Costa Dorada », j’ai réalisé toutes les conceptions graphiques (fonds et personnages) mais pour le projet d’après, c’est mon co-réalisateur qui a créé la bible graphique. 

J’ai trouvé cela très enrichissant car chaque projet a son propre processus !

Je travaille également en tant que conceptrice d’arrière-plans sur des émissions de télévision ou des longs métrages. J’aime passer de mon propre film au projet d’un autre. De cette façon, j’apprends beaucoup.

Chapada
Saida

Two of Noemi’s illustrations. You can find more on her website.

ANTON : Est-ce que vous travaillez souvent seule, ou surtout avec d’autres personnes ? (Et que préférez-vous ?)

NOÉMI : C’est super difficile de faire un film tout seul ! J’aime beaucoup le travail d’équipe, c’est pour ça que je travaille dans le cinéma. Je ne suis pas capable de faire chaque travail sur un film d’animation. J’ai besoin d’autres talents pour m’aider, et c’est tellement agréable !

Il ya seulement 2 étapes pour lesquelles je suis seule : lorsque je fais des illustrations et quand j’écris des scénarios. 

ANTON : Comment avez-vous été impliquée dans l’équipe d’I C E ?

NOÉMI : Eh bien, [le co-concepteur] Hugo Freyermuth est mon petit ami, alors il m’a demandé si j’étais intéressée par la bande-annonce d’I C E. Bien sûr que j’étais partante !

The trailer for I C E

ANTON : Étiez-vous une fan de jeux de société avant cela ?

NOÉMI : En fait… J’ai un peu honte de le dire mais je ne l’étais pas ! La famille d’Hugo est amatrice de jeux de société et j’y ai été initiée [par eux]. Au début, ce n’était pas facile car j’étais très loin d’eux ! Maintenant, je suis heureuse d’y jouer, et je participe à de nombreuses sessions de jeux de société ou playtests.

ANTON : Comment s’est déroulé le projet I C E, et y a-t-il des histoires à ce sujet que vous voulez partager ?

NOÉMI : J’ai une histoire, oui ! C’était la nuit où le Kickstarter I C E a atteint son objectif en 24 heures. J’étais tellement heureuse que j’étais en train de danser chez nous… « C’est incroyable ! ». Hugo était si concentré, si préoccupé bien sûr, qu’il n’a pas levé les yeux de son ordinateur en me disant un lointain « Ouais ! ». J’ai dû insister pour qu’il s’en détache afin de pouvoir prendre une coupe de champagne et fêter cette incroyable victoire !

ANTON : Quel est votre prochain projet ?

NOÉMI : Je viens de terminer mon deuxième court-métrage, co-réalisé avec Séléna Picque. Il s’appelle Immobile Stars, une émission de télévision spéciale pour les jeunes. 

Immobile Stars

Voici le pitch : Chenghua a 9 ans et doit préparer une présentation sur l’Espace avec sa meilleure amie. Elle ne trouve pas le temps de le faire car ses parents lui demandent constamment de traduire. Ils ne parlent pas français et sont dépendants de leur enfant. Ils ne se rendent plus compte qu’ils lui font porter un poids trop lourd sur les épaules.

Il va sortir à la télévision française cette année et dans beaucoup d’autres pays, ce qui est vraiment chouette ! Il y aura également une sortie au cinéma. 

ANTON : Ça a l’air fantastique ! Je suis impatient de le voir. Y a-t-il d’autres métiers de rêve que vous espérez faire un jour ?

NOÉMI : Eh bien, le métier de mes rêves était de raconter des histoires et de réaliser des films. J’ai la chance de pouvoir dire que je suis déjà sur cette voie 🙂 Si mes histoires atteignent un public et font ressentir des émotions aux gens, je suis heureuse !

ANTON : C’est génial – peu de gens ont la chance d’exercer le métier de leurs rêves ! Avez-vous des conseils à donner aux personnes qui espèrent se lancer dans la réalisation de films ou l’animation ?

NOÉMI : Allez-y ! 

Il faut savoir qu’il y a de nombreux métiers dans l’industrie de l’animation, du scénariste à l’animateur, en passant par le concepteur de fonds, le créateur de personnages, le réalisateur, le monteur, le compositeur de musique…. 

De nombreuses grandes écoles d’animation vous enseigneront ces métiers, mais l’effort principal doit bien sûr venir de vous. Quelle histoire voulez-vous raconter ? Quels sentiments voulez-vous partager ? Aimez-vous le travail d’équipe ? Aimez-vous le stop motion, la 2D, la 3D ? 

L’animation n’est pas seulement une affaire de dessin, c’est aussi un travail d’équipe. C’est une structure profondément hiérarchique où votre travail va passer entre les mains d’autres personnes. C’est pourquoi je pense qu’il est important de communiquer, d’être attentif les uns aux autres et d’accepter les conseils des autres.

ANTON : Eh bien, merci beaucoup d’avoir répondu à toutes ces questions, Noémi !


Noémi Gruner réalisera les bandes-annonces des prochains jeux de This Way!
Vous pouvez en apprendre plus sur son travail sur son site web ICI.